A
la faveur de l'obscurité, l'infanterie allemande a placé
de redoutables nids de résistance, avec antichars, mortiers,
mitrailleuses et mines. Le pont routier, à nouveau, vient de
recevoir sa lourde charge de torpilles. Les contacts de la mise à
feu ont été réparés. Le temps a manqué
pour disposer les explosifs dans les logements des piles, prévus
à cet effet. Les artificiers se sont bornés à
les entasser sur les deux trottoirs, dans la zone centrale. Les fantassins,
installés dans les maisons désertes ont transformé
le village en camp retranché. La partie à jouer se complique,
surtout en l'absence d'un régiment de blindés du colonel
KIENTZ, toujours en panne d'essence.
Dès l'aurore, la section de commandement du capitaine VIANNE
envoie quelques hommes en direction des ponts de l'Azergues. Rien
à signaler : ils se replient sans incident. Tout dort dans
le village. Par mesure de précaution, deux mitrailleuses de
30 prennent position, à mi-pente, dans les vignes, au-dessus
du Pont de Brigneux. Le Zouave Louis MONTAVA, chargé de l'une
d'elles, occupera ce poste jusqu'au soir.
5 heures 50. Le 1er Zouaves passe à l'attaque. En tête,
roule la section BOTHOREL avec ses half-tracks. Ces engins de neuf
tonnes ont deux roues à l'avant et des chenilles à l'arrière.
Ils sont équipés de deux mitrailleuses de 30 et d'une
de 50. Parvenu à deux cents mètres de l'entrée
ouest du village, le groupe marque un bref arrêt. Aucune réaction
de l'ennemi. Le chef ordonne alors de foncer. Le premier véhicule
stoppe net, atteint de plein fouet par un obus antichar tiré
depuis les abords de l'église. Le chauffeur Michel MARTINEZ
s'écroule, tué sur le coup. Le sergent-chef AIGNAN est
grièvement blessé. Les mitrailleurs des autres engins
malmènent le canon. Pendant ce court répit, le half-track
touché réussit à faire demi-tour mais en zigzaguant
il vient percuter l'angle du Café des Tours, à l'entrée
de la rue du Château.
Les Zouaves ont mis pied à terre. Ils progressent maintenant
en tirailleurs, de chaque côté de la rue Bourgneuf qui
mène à l'église. La fusillade générale
éclate car l'ennemi occupe de nombreuses maisons. Impossible
d'avancer.
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half-track
de 9 tonnes,
roues à l'avant,
chenilles à l'arrière,
mitrailleuse de 50
(photo MONTAVA) |
BOTHOREL
décide de forcer le barrage avec trois half-tracks, sa M.9, la
M.5 du groupe CHEVALIER et celle d'un groupe de mitrailleuses de la
C.A. mises à sa disposition.
Ainsi renforcée, l'unité modifie son itinéraire,
elle descend en trombe la rue du Château et fait feu de toutes
ses armes. Un 76 allemand tombe aux mains des Zouaves au coin de la
rue. Arrivées au pont, les voitures virent à gauche, empruntent
la N.6 en direction du nord. Des Allemands surpris s'enfuient mais un
de leurs antichars placé vers le monument aux morts, ouvre le
feu sur le half-track de tête. La section doit faire demi-tour
et le sergent KERN avec son 57 engage la pièce ennemie dans un
duel dont il sortira vainqueur. Le calme revenu, BOTHOREL installe ses
engins le long de la nationale, entre la place de la République
et la rivière.
Laissant ses véhicules à l'entrée ouest, l'unité
BEAUVISAGE cherche à déborder par la périphérie
mais elle se trouve à nouveau stoppée dans le parc du
château de Messimieux par des tirs venus du sud et de l'est. Le
capitaine VIANNE lance la 2e section, avec pour mission d'épauler
BEAUVISAGE et de nettoyer la partie ouest avant de rejoindre le groupe
BOTHOREL. La tâche s'avère très rude pour les half-tracks
de ROLLET, infiltrés dans l'Ancienne Grande Rue. Toute cette
partie, fortifiée durant la nuit, constitue un redoutable camp
retranché. Des maisons abritent des ennemis déterminés.
Ils attaquent les véhicules français, font pleuvoir sur
eux, depuis les étages, de nombreuses grenades qui causent des
ravages. Les Français tirent sur tout ce qui apparaît aux
fenêtres, avec la hantise d'atteindre de simples curieux, car
il y en a ! Placée vers l'atelier de Victor BOLLIET, au milieu
de la ruelle étroite et sinueuse, une arme lourde contraint la
section ROLLET à faire demi-tour. Plusieurs half-tracks, plus
ou moins endommagés, doivent être abandonnés. La
section BOTHOREL souffre elle-même et perd plusieurs d'hommes.
Le Zouave Marcel UEBEL meurt derrière sa mitrailleuse. Dans d'autres
véhicules sept sous-officiers et soldats sont mis hors de combat,
dont le soldat Ben Mohammed LAKHDAR.
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