LES COMPAS DE PROPORTION

GENERALITES

Inventé vers la fin du XVIè siècle, les premières descriptions du compas de proportion ont été publiées en 1606 par Galilée et en 1607 par Baldassar Capra de Padoue ; mais dès 1568, un ami de Galilée, Guidobaldo del Monte en avait fait construire un. Cet instrument, qui a trés peu évolué depuis ses origines, a été trés utilisé aux XVII et XVIIIè siècles. ; encore vers la fin du XIXè, les horlogers en utilisaient un modèle particulier. Il répondait à de multiples usages pour les ingénieurs, géomètres, artilleurs et toutes sortes d'artisans, du fait qu'il résolvait graphiquement, de façon simple, des calculs qui pouvaient être longs et compliqués.

Il est constitué de deux règles plates, qui sont les jambes du compas, accolées par un de leur plus grands côtés et réunies à l'une de leurs extrèmités par une charnière plate. Celle-ci est disposée de telle sorte que le compas puisse s'ouvrir complètement pour former une règle droite. Du centre de la charnière, ou centre du compas, partent une série de lignes droites divergentes, identiques deux à deux, disposées symétriquement de part et d'autre de l'axe d'ouverture de l'instrument ; ces lignes portent des graduations particulières. Outre, bien sûr de celle des graduations, c'est de la précision avec laquelle est réalisé la charnière, et défini son centre, que dépend l'exactitude des calculs que l'on peut faire.

Pour se servir de l'instrument, le principe général consiste à ouvrir convenablement les branches et à utiliser les propriétés des triangles semblables ; à l'aide d'un compas à pointe , on reporte d'abord les grandeurs considérées entre deux graduations identiques appartenant à deux échelles semblables sur chacune des branches, puis on mesure à un autre endroit de ces échelles, entre deux graduations identiques, une autre grandeur. Selon les échelles on peut ainsi déterminer directement des résultats de calculs arithmétiques concernant des segments de droite, des angles, des surfaces, des volumes, ; on peut aussi résoudre des problèmes de poids ou de volumes des métaux, ainsi que d'alliages ; enfin des échelles particulières concernant les diamètres des pièces d'artillerie, les diamètres et le poids des boulets de fer.

La dimension la plus classique des compas de proportion est celle où les échelles de chaque branche sont longues de 6 pouces (entre 16 et 17 cm), c'est-à-dire d'1/2 pied, de sorte que l'instrument entier donne le pied. Lorsqu'il s'agit de mesures parisiennes, on obtient ainsi un pied de roi ou de Paris.

Quant aux mesures de longueur, on peut rappeler que :

1 point = 1/12 de l'épaisseur d'un grain d'orge moyen

1 ligne = 12 points, soit l'épaisseur d'un grain d'orge moyen

1 pouce = 12 lignes

1 pied = 12 pouces

étant entendu que, selon les pays et les provinces, ces mesures étaient variables.

 

 

LES ECHELLES GRADUEES

La description générale qu'on en donne ici est celle du modèle classique d'un compas de proportion de 6 pouces. Hormis des détails de présentation dans la gravure, elle s'applique à l'instrument réel qui sera évoqué plus loin.

La disposition des échelles les unes par rapport aux autres est en principe toujours la même : elle est commandée par l'utilisation de l'instrument ; il faut en effet pouvoir établir commodément des correspondances entre etelle et telle graduation. Ainsi, le compas étant supposé entr'ouvert, on trouve, de l'extérieur vers l'intérieur :

sur une face : la ligne des Parties Egales, celle des Plans, celle des Polygones ;

sur l'autre face : la ligne des Cordes, celle des Solides et celle des Métaux ;

Les deux lignes concernant l'artillerie (qui se lisent compas complètement ouvert), non répétitives, se trouvent chacune sur une face, le long des bords extérieurs.

Bien entendu, chacune de ces échelles est assortie de son titre inscrit en clair, tel que "Les Parties Egales", "Les Plans", etc.

Certains instruments, quelque peu surchargés, comportent d'autres graduations, parfois jusque sur les tranches des règles. La signature du constructeur, quant elle existe, se trouve généralement sur la face de la ligne des Cordes, par raison de disponibilité d'espace.

La ligne des Parties Egales

Elle est divisée en 200 parties égales, numérotées de 10 en 10. Elle sert à résoudre des problèmes arithmétiques tels que diviser une longueur donnée en intervalles égaux, ou en parties proportionnelles, trouver une longueur proportionnelle à une autre, etc.

La ligne des Plans

Elle est divisée en 64 parties égales, numérotées de 10 en 10. C'est une échelle proportionnelle au carré des distances de chaque division à l'origine (c'est-à-dire au centre du compas). Elle donne la longueur des côtés homologues de surfaces multiples (double, triple ...) de la plus petite prise comme unité. Cette échelle permet de résoudre des problèmes relatifs aux surfaces comme la précédente permettait de résoudre ceux relatifs aux segments de droite.

La ligne des Polygones

Elle comprent 10 raduations, numérotées 3 à 12. Elle donne la longueur des côtés respectifs des dix premiers polygones inscrits dans un cercle de diamètre donné. On lit depuis le centre jusqu'au chiffre caractéristique du polygone visé (3 pour le triangle, 4 pour le carré, et ainsi de suite pour le pentagone, l'hexagone, l'eptagone, l'octogone, l'ennéagone, le décagone, l'endécagone, jusqu'à 12 pour le dodécagone).

La ligne des Cordes

Elle est divisée en 180 parties, numérotées de 10 en 10. C'est une échelle proportionnelle aux arcs successifs (de degré en degré) du demi-cercle dont le diamètre est égal à la longueur de cette échelle. Ses graduations sont donc proportionnelles aux cosinus. Elle permet des opérations sur les arcs et les angles.

La ligne des Solides

Elle est divisée en 61 parties, numérotées de 10 en 10. C'est une échelle proportionnelle au cube des distances de chaque division à l'origine (centre du compas). Elle donne la longueur des côtés homologues des volumes multiples (double, triple ...) du plus petit pris comme unité. Cette échelle permet de résoudre des problèmes relatifs aux volumes comme celles des Plans ou des Parties Egales le permettaient pour les surfaces ou les segments de droite.

La ligne des Métaux

Elle comprend 6 graduations, accompagnées chacune du symbole astronomique de l'un des six métaux usuels présentés dans l'ordre de leurs densités. De l'extrémité du compas vers le centre, on a (Jupiter) pour l'Etain, (Mars) pour le fer, (Mercure) pour le cuivre, (Lune) pour l'argent, (Saturne) pour le plomb et (Soleil) pour l'Or. Les distances de chaque graduation au centre du compas sont inversement proportionnelles à la racine cubique de la densité des métaux. A l'aide de cette échelle, on peut résoudre des problèmes de poids, de volumes ou de composition d'alliage des métaux.

La ligne du Calibre des Pièces et celle du Poids des Boulets de fer

Elles sont graduées pour les boulets de 1/4 de livre à 36 livres.

 

 

QUELQUES EXEMPLES D'UTILISATION

D'une manière générale, le travail sur compas de proportion se fait à l'aide d'un compas ordinaire à pointes sèches. Avec ce dernier, on prend une mesure donnée et on la reporte sur le compas de proportion entre deux graduations identiques d'une même "ligne" sur les branches que l'on ouvre en conséquence ; puis, conservant au compas de proportion son ouverture ainsi déterminée, on mesure avec les pointes sèches, entre deux autres graduations identiques d'une même ligne, la quantité recherchée.

LIGNE DES PARTIES EGALES

1- Addition ou soustraction de parties à un segment de droite de valeur donnée

Ex : AB valant 140, tracer CD valant (AB-120) soit 20.

Ayant pris la mesure de AB avec les pointes sèches, porter cette mesure entre les graduations 140 de la ligne des Parties Egales, en ouvrant adéquatement les deux branches du compas de proportion. Avec les pointes sèches on prend la mesure entre les graduations 20 de la ligne des Parties egales sur le compas de proportion ouvert comme indiqué précédemment, qui est la longueur CD cherchée.

2- Division d'un segment de droite en parties égales ou agrandissement de ce segment

Ex : Tracer la 7ème partie de AB.

Porter AB entre graduations identiques multiples de 7 (par ex. 140). Prendre la longueur de la 7ème partie entre les graduations identiques de valeur 140/7 soit 20

Inversement, au lieu de réduire AB à son 1/7, on peut agrandir CD.

3- Mesure des côtés d'un polygone dont un côté est connu

Ex : AB valant 140, combien vaut CD ?

Porter AB entre graduations identiques 140. Chercher les graduations identiques qui correspondent à la mesure de CD prise avec les pointes sèches ; le nombre caractérisant ces graduations sera la valeur cherchée.

4- Fractionnement d'un segment de droite (cas semblable à 2, ne pas confondre avec 5)

Ex : Tracer les 2/7 ou 20/70 de AB

Porter AB entre graduations identiques 70. Prendre la longueur des 2/7 entre les graduations 20.

5- Division d'un segment de droite en parties proportionnelles

Ex : Diviser AB en deux parties égales qui soient entre elles comme 2 et 7.

Faire 2+7=9 (ou 20+70=90). Porter AB entre les graduations identiques 90. Prendre la mesure entre les graduations 20, ou 70, qui portée à partir de l'une ou l'autre extrèmité du segment le partageront comme cherché.

Pour toutes ces opérations, si AB est trop grand pour être compris entre les deux branches du compas de proportion, il suffit d'opérer sur une fraction quelconque de AB (1/4, 1/100, ...) et de multiplier le résultat en conséquence (par 4, 100, ...)

LIGNE DES PLANS

S'il s'agit de polygone, le découper en triangles et travailler sur leurs côtés semblables. S'il s'agit de cercle, travailler sur le diamètre.

6- Agrandissement ou réduction d'une surface polygonale ou circulaire

Ex : Agrandir un triangle de sorte que sa supericie soit 20 fois plus grande.

Porter le 1er côté entre graduations identiques 1. Prendre le côté homologue entre graduations identiques 20 et ainsi de suite pour les autres côtés. Inversement, au lieu d'agrandir, on peut réduire.

7- Rapport entre deux surfaces polygonales semblables ou ciculaires

Ex : Quel est le rapport des superficies des cercles AB et CD ?

Sur une ouverture quelconque du compas de proportion, porter les deux diamètres entre graduations identiques, en x et y. Le rapport entre les nombres de ces graduations y et x est celui qui est recherché. (Dans la mesure du possible, ouvrir le compas de proportion de sorte que x et y soient des nombres entiers.

Comme pour les Parties Egales, on peut opérer sur des fractions de côtés ou de diamètres.

LIGNE DES POLYGONES

8- Inscription d'un polygone régulier dans un cercle de rayon donné

Porter le rayon donné entre les graduations 6 (pour tout type de polygone). Prendre le côté du polygone entre les graduations identiques qui le caractérisent (3 pour un triangle, 4 pour un carré ...)

9- Tracé d'un polygone régulier à partir d'un segment de droite donné comme côté

Porter la longueur du segment entre les graduations caractéristiques du polygone visé. Prendre la mesure du rayon du cercle qui inscrive ce polygone entre les deux graduations 6. A partir des extrèmités du segment donné, tracer deux arcs de cercle ayant comme rayon celui trouvé ci-dessus, leur intersection est le centre du cercle qui inscrive le polygone. Tracer ce cercle et y inscrire les cordes successives égales au segment donné.

LIGNE DES CORDES

10- Tracé d'un angle de valeur donnée

Ex : Tracer en B un angle de 40°

De B comme centre, tracer un arc CX quelconque. Porter le rayon de cet arc entre les deux graduations 60. Prendre la longueur entre les graduations 40 et la reporter en D à partir de C comme centre. ABD = 40°

11- Mesure d'un angle donné

Du sommet B, tracer sur un arc CX quelconque qui coupe DE en D. Porter le rayon de cet arc entre les deux graduations 60. Prendre la longueur de CD et chercher les graduations identiques auxquelles elles correspondent : le nombre de ces graduations est la valeur cherchée.

LIGNE DES SOLIDES

S'il s'agit de parallélépipède, travailler sur les arêtes. S'il s'agit de sphère, travailler sur le diamètre.

12- Agrandissement ou réduction d'un parallélépipède ou d'une sphère

Ex : Agrandir à 5 la contenance d'un parallélépipède rectangle contenant 3. (pour plus de commodité, on utilisera ici 30 et 50 au lieu de 3 et 5)

Porter la 1ère arête entre graduation 30. Prendre l'arête homologue entre les graduations 50, et ainsi de suite pour les autres arêtes.

13- Rapport de deux volumes géométriques semblables

Même principe qu'en 7, appliqué ici à la ligne des solids.

LIGNE DES METAUX (et ligne des Solides)

14- Etant donné le diamètre d'une sphère d'un métal et d'un poids connu, trouver le diamètre de la sphère de même poids d'un autre métal

Porter le diamètre connu entre les graduations identiques caractéristiques de son métal (Soleil pour l'or, etc ) Prendre le diamètre cherché entre les graduations identiques caractéristiques du métal voulu.

15- Rapport des poids correspondant à des volumes égaux de métaux différents

Prendre les distances du centre du compas à la grandeur caractéristique du métal le plus léger, et la porter entre les graduations identiques quelconques de la ligne des solides (x,x). Prendre la distance du centre du compas à la graduation caractéristique du métal le plus lourd ; chercher sur la ligne des Solides à quelles graduations cette distance correspond (y,y). Le rapport du nombre de la graduation y à celui de x est le rapport recherché.

16- Etant donné un objet d'un métal, d'un poids et de dimensisons connus, trouver le poids nécessaire d'un autre métal pour réaliser le même objet aux mêmes dimensions

Ex : Soit une boïte d'étain pesant 36. Quel poids d'argent faut-il pour faire la même ?

Prendre la distance du centre du compas à la graduation Lune (argent) et la porter entre les graduations 36 de la ligne des Solides. Prendre la distance du centre du compas à Jupiter (étain) ; chercher sur la ligne des solides à quelles deux graduations identiques cette dernière dustance correspond : le nombre de ces graduations sera le poids d'argent nécessaire.

 

Le compas de proportion permet encore toutes sortes d'autres opérations, telles :

- trouver un segment de droite de longueur sensiblement égale à une circonférence donnée,

- tracer une figure géométriquement semblable à deux autres, dont la superficie soit égale à la différence des superficies des deux autres.

- trouver un cube de volume égal à celui d'un parallélépipède donné,

- trouver le rapport des poids de deux solides géométriquement semblables mais de métaux différents, etc.

On peut trouver la description de tels usages dans BION (N.) : Traité des instruments de mathématique; OZANAM : Le compas de proportion, etc. (La bibliographie est impressionnante)

Texte anonyme manuscrit fourni par le vendeur.

Les Parties Egales

Les Plans

Les Polygones

Les Cordes

Les Métaux

 

COMPAS DE PROPORTION PIGEON

PIGEON est fabricant à Lyon vers 1778

objets cités : un graphomètre, un compas de proportion, et une alidade.

source : "Les instruments scientifiques des XVII et XVIIIe siècle"

(Maurice DAUMAS).

 

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