La carlingue vient soudain de s'éclairer d'une lumière rouge, signalant
l'"action station", l'instant qui précède le saut. Il faut fixer les mousquetons
des parachutes au câble intérieur de l'appareil pour en assurer l'ouverture
automatique. Près de la trappe béante, Patrice sent un vent froid lui fouetter
le visage. Soudain, l'avion amorce un piqué alors qu'une gerbe de feu monte à
l'assaut de la carlingue : la D.C.A. de VICHY salue le Lancaster !
Trappe refermée, l'avion effectue un virage plein gaz, reprend de l'altitude, s'éloigne en direction des Dombes. Un quart d'heure plus tard, il survole à nouveau le Beaujolais, trappe ouverte. Le clair de lune permet à Patrice d'admirer le damier des prairies et cultures, le ruban argenté de la Saône. Il a une pensée pour ses parents, emprisonnés quelque part en territoire français, pour son frère qui a peut-être réussi à s'évader, pour Luce, sa fiancée ... La petite lampe verte s'allume maintenant. "GO !" crie le sergent en donnant à Patrice une tape amicale mais énergique. Le jeune officier plonge vers son destin. Un bruit sec, celui d'un parachute qui s'ouvre, une vaste corolle tigrée qui descend et, soudain, dans le ciel lumineux, un silence total, une impression de paix immense ... Le sol se rapproche vite. Au lieu de la prairie attendue, l'homme voit très distinctement, au clair de lune, le village, une route, des toits ... Le temps de resserrer les pieds, de fléchir les genoux et c'est la réception, dans un fracas de tuiles brisées. Pas de "lit de roses" ! Notre voyageur clandestin vient d'atterrir sur le toit de la maison CHARPY, rue Nationale, à une trentaine de mètres de la gendarmerie. Il est deux heures trente, ce mardi matin, 2 juin. |
D'un geste simple et rapide, bien souvent répété, il se dégage en appuyant sur
l'ouverture automatique des sangles de son harnais. Au-dessus de sa tête,
accroché à une console de ligne électrique, le parachute bariolé forme un
étrange feston. Bientôt, les Ansois baptiseront la soie qui claque au vent : "le
premier drapeau de la Liberté".
Mais il faut réagir sans retard car un certain remue-ménage se produit dans la maison voisine. Une fenêtre s'ouvre, quelqu'un dégringole un escalier. Dans la cour, en contrebas, apparaît une silhouette puis une seconde. Patrice devine deux hommes en pyjama qui braquent leurs lampes de poche vers le toit : "Gendarmerie française ! Qui va là ?" Revenus de leur surprise, les deux gendarmes introduisent Patrice (Robert SHEPPARD) par une lucarne, en haut du toit, dans la partie réservée à leurs familles. Ils l'aident à quitter sa combinaison de vol pendant que les épouses accourent, en peignoir, encadrées de gamins apeurés. Le parachutiste distribue le chocolat qu'il possède, informe ses hôtes qu'il arrive de LONDRES. Ces derniers n'en croient pas leurs oreilles : finalement, l'un d'eux dit : "Vous savez, il n'y a pas que des bons parmi nous ... Il faut sortir de là très vite. Surtout pas d'histoires avec l'adjudant ! Alors partez ! Vous allez traverser la rue en courant. Si on nous voit, nous ferons semblant de vous poursuivre." Braves militaires ! Patrice s'empresse d'obéir mais en bas, d'autres collègues ont été alertés. Le double passage de l'avion, le vacarme des tuiles brisées puis le coup de fil de la voisine ignorant la réalité, leur ont permis d'accourir. Une partie de la brigade l'attend à la sortie, l'arme au poing. Il est pris. |
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